Saturday, February 10, 2007

Alexandre Adler un canard boiteux en géopolitique

Alexandre Adler un canard boiteux en géopolitique



Beaucoup de bruit pour rien

La chronique d'Alexandre Adler.

Publié le 03 février 2007 Actualisé le 03 février 2007 : 22h31



La chronique d'Alexandre Adler



Jacques Chirac a été mis en cause pour des déclarations peut-être insuffisamment diplomatiques dans l'instant, mais toutes rigoureusement exactes, s'agissant du nucléaire iranien. George Bush, quant à lui, est pris à partie par les grands prêtres du politiquement correct pour avoir indiqué aux mêmes Iraniens que les beaux jours ne se trouvaient pas, dans la nature, en nombre indéfini. À bien y regarder, toutes ces déclarations et gesticulations, pourtant nécessaires, des chefs d'États de l'Occident, renvoient à une unique contradiction qui est au coeur de toute la problématique du Moyen-Orient : l'Iran est insupportable, l'Iran est indispensable. Indispensable, en effet, que cette grande puissance politique et culturelle qui détient, vis-à-vis des Américains, les clefs de l'Irak et vis-à-vis de la France, les clefs du Liban. Il est clair qu'il existe de profondes divergences au sein de la communauté chiite irakienne et que la majorité nette des principaux religieux, comme les meilleurs politiciens laïques, souhaite le maintien, pour l'instant, des forces américaines et un dialogue, fût-il minimal, avec les sunnites modérés et prosaoudiens.



Dans le cas libanais, les choses sont allées encore plus loin : irrités par le soutien brutal que l'aile extrême des services secrets syriens accordait au djihad sunnite en Irak, les clercs iraniens avaient poussé le Hezbollah de Nasrallah vers une neutralité bienveillante envers le mouvement indépendantiste libanais alors dirigé par le regretté Rafik Hariri. Cela, bien sûr, avant l'avènement d'Ahmadinejad à la présidence de la République. Depuis lors, un Hezbollah repris en main par l'ambassadeur iranien à Damas, Mohtachémi, s'est afféré pour déstabiliser le gouvernement Siniora et remettre en selle une influence syrienne désormais congruente avec le grand dessein des extrémistes à Téhéran. Il ne s'agissait de rien moins que de ménager à partir d'une alliance du Hamas palestinien et du Hezbollah libanais une réconciliation des intégristes chiites et sunnites, dirigée contre Israël et les États-Unis. Mais, depuis lors, l'affaire a fait long feu tant la situation en Irak est impossible à maîtriser par les conciliateurs des deux camps, aussi bien l'Égyptien Zawahiri, du côté d'al-Qaida que les Iraniens Mohtachémi ou Mezbah Yazdi, du côté de Qom. D'où la brillante contre-offensive menée par la France, le gouvernement libanais et la diplomatie réformatrice saoudienne consistant à ignorer Damas et à dialoguer directement avec Téhéran. Non pas avec Ahmadinejad certes, et pourquoi pas avec Faurisson et Garaudy ? mais avec tous les autres courants de la mollahcratie pour lesquels le maintien d'un pouvoir chiite à Bagdad, fût-ce avec les Américains, est prioritaire et l'entrée des partis chiites dans un pouvoir libanais reconstitué à hauteur des 40 % de ces derniers, représente un compromis parfaitement acceptable.



Tout irait ici pour le mieux... s'il n'y avait le malencontreux programme nucléaire iranien, dont on rappellera au passage qu'il commença au tournant des années 1960 et 1970, sous le shah, avec la triple bénédiction des États-Unis, de la France et d'Israël. Ce que Chirac a dit un peu trop clairement, ce que le rapport Baker sur l'Irak a sous-entendu à peu près dans les mêmes termes, ce que j'ai moi-même écris voici un an et demi, c'est que le passage, d'ici quatre ou cinq ans, de l'Iran à un stade relativement élémentaire d'armement nucléaire n'est pas moins digestible par la communauté internationale que l'a été celui du Pakistan à fa fin des années 1990. Opérationnellement, Téhéran s'expose à une première frappe dévastatrice et, politiquement, un Iran à demi nucléarisé se devra de négocier des protocoles de non-emploi avec tous ses voisins, en tout premier lieu Israël. Pour parachever l'apaisement, il eût suffi que Téhéran décidât de geler l'enrichissement encore quelques années tout en acquérant, ce qu'il n'a pas encore, la masse critique d'ingénieurs et de scientifiques capables de maîtriser tout le cycle nucléaire.



Des solutions cosmétiques étaient possibles, à l'abri desquelles le rapprochement entre l'Iran et l'Occident aurait été mené à bien par des ayatollahs comme chah et Rouhani. On comprend d'autant mieux que la vieille garde intégriste se soit accrochée avec férocité sur le dossier nucléaire afin de mieux le bloquer et d'en faire, comme autrefois le prolongement de la guerre avec l'Irak, un instrument de répression intérieure et d'isolation volontaire de ce qui reste de la République islamique. Personne ne doute des sympathies nazies profondes d'Ahmadinejad depuis que, dans une lettre démente adressée à Angela Merkel, il a exalté le combat commun des jeunesses allemandes et iraniennes contre la menace juive. Mais si on le laisse faire au plus haut niveau, c'est qu'on y voit le moyen imparable, en envenimant le dossier nucléaire, de bloquer le plus longtemps possible les évidentes convergences que l'actuelle conjoncture moyen-orientale ménagent avec Paris, Londres, Washington, mais aussi Delhi et pourquoi pas bientôt Jérusalem.



C'est tout ce que le président de la France a voulu dire. Sa ­prétendue gaffe diplomatique n'était, à certains égards, qu'un faux pas dans la bonne direction.

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