LE PROCES DES CARICATURES.... EXTRAITS
Caricatures Mahomet : Du procès de « Charlie » à celui de l’intégrisme
Comment les associations accusatrices se sont retrouvées, au fur et à mesure du procès, dans la positions d’« accusées ».
Mercredi, 9 heures Comme dans une pièce de Shakespeare, le procè intenté à Charlie Hebdo débute par un intermède comique. Avant d’aborder le fond de l’affaire, il s’agit d’examiner la recevabilité des plaintes déposées par des « clowns », comme les appelle un avocat, de ces « habitués des tribunaux » qui engagent des procédures par jeu ou désir de publicité. Germain Gaiffe est l’un d’eux. Il s’extrait régulièrement de la maison d’arrêt où il purge une peine de trente ans de réclusion en se constituant partie civile. Presque un personnage de Charlie avec son physique à la professeur Choron. Il déclare parler au nom de ses compagnons détenus choqués par des caricatures qu’ils n’ont jamais vues, l’hebdomadaire satirique n’étant pas consultable en prison.
A 10 heures, commence l’interrogatoire de Philippe Val, directeur de Charlie Hebdo. Ses dessinateurs, Cabu, Tignous, Riss, Catherine, etc., se tiennent en embuscade avec leurs crayons. Ses avocats ont mobilisé une armée de témoins prestigieux. Bien décidé à transformer ce procès en un combat de la Raison contre les Ténèbres, le prévenu se fait accusateur. Il invoque Spinoza, Descartes. En reproduisant ces illustrations, il voulait manifester sa « solidarité » avec le directeur de France Soir, qui venait d’être limogé pour avoir commis ce même pêché, mais aussi lutter contre l’intégrisme. « L’islam politique est pour moi quelque chose qui doit être critiqué. » Si les caricatures « avaient été porteuses de la moindre idée raciste, nous ne les aurions pas publiées ». Et il s’énerve contre Salah Djemai, avocat de la Ligue islamique mondiale, bras armé de l’Arabie Saoudite, qui l’accuse d’avoir soufflé sur la braise : « Le feu, il a pris depuis bien longtemps », s’exclame-t-il, citant les attentats du 11 Septembre, Bali, Madrid, Londres.
11 h 15 Lhaj Thami Breze, président de l’Union des organisations islamiques (UOIF), ne fait qu’une lecture du dessin représentant Mahomet coiffé d’une bombe : « C’est que le Prophète enseigne le terrorisme à tous les musulmans. » « Est-ce que ça vous choque lorsque Ben Laden ou Zawahiri invoquent l’action du Prophète pour justifier le terrorisme ? » lui demande Me Kiejman . Puis, Lhaj Thami Breze se tourne vers le directeur de Charlie : « Monsieur Val, vous nous avez agressés. On ne fait pas des procès tous les jours, mais vous avez agressé les musulmans. Nous ne condamnons pas la liberté d’expression, mais ses dérapages. »
11 h 30 Le philosophe et poète franco-tunisien AbdelWahab Meddeb dit avoir ri aux éclats en voyant la une de Charlie : un dessin de Cabu montrant un Prophète « débordé par les intégristes » qui se lamente : « C’est dur d’être aimé par des cons. » « Cela correspond très exactement à ma pensée », lâche ce penseur, qui s’efforce de restituer à l’islam sa « polyphonie » ancestrale. En revanche, il avoue trouver « problématique » la caricature du turban et de la bombe. « Est-elle outrageante ? » lui demande Me Kiejman. « Franchement, elle peut l’être pour certains. » Cette image renvoie, selon lui, à une vieille représentation chrétienne d’un Prophète « belliqueux et concupiscent ». « C’est une histoire millénaire, rappelle-t-il. L’Europe a été construite sur un principe islamophobe. Mais est-ce que vous allez censurer la Divine Comédie de Dante où l’islamophobie est flagrante ? »
Midi Georges Kiejman, défenseur du journal, prend un malin plaisir à lire une lettre qu’il vient de recevoir : « Je tiens à apporter clairement mon soutien à votre journal, qui exprime une vieille tradition française, celle de la satire. [...] Je puis tout à fait comprendre que certains dessins incriminés aient pu heurter les convictions religieuses de certains de nos concitoyens musulmans, [...] pour autant, je préfère l’excès de caricature à l’absence de caricature. » L’avocat, ex-ministre de Mitterrand, conclut d’une voix triomphale : « C’est signé Nicolas Sarkozy. »
12 h 30 Face à la douzaine d’intellectuels, de journalistes, de politiques mobilisés par Charlie, la partie civile, en l’occurrence la Ligue islamique mondiale, ne cite qu’un témoin. Le père Michel Lelong, prêtre catholique : « Je trouve regrettable qu’un journal a cru bon de rallumer cette querelle », déclare ce vieux routier des amitiés franco-arabes. Mauvaise pioche. L’homme a soutenu par le passé Garaudy, négationniste, ainsi qu’Al-Manar, la télévision du Hezbollah interdite par le CSA à cause d’un programme antisémite.
14 h 15 Fleming Rose, le rédacteur en chef des pages culturelles du Jyllands-Posten , raconte comment toute l’affaire a débuté. C’est lui qui a commandé ces dessins de Mahomet. Il présente son quotidien comme de « centre droit » et le compare « au Figaro ». Aucun illustrateur ne voulait participer à un livre sur le Prophète « par peur de connaître le sort de Theo Van Gogh », assassiné en Hollande « après avoir fait un film sur les femmes en islam ». Le journaliste danois rappelle que les plaintes déposées au Danemark par onze associations musulmanes ont toutes été déboutées.
16 heures après Sarkozy, François Hollande est le deuxième homme politique à voler au secours de Charlie Hebdo . « La République indivisible n’a pas fait ce qu’elle devait faire par rapport à la pratique musulmane, reconnaît-il, mais on ne peut pas au nom d’une frustration légitime mettre en cause la liberté d’expression. Ce serait un comble que ce soit à Charlie Hebdo de réparer les défaillances de l’Etat. »
17 h 50 la féministe Elisabeth Badinter va plus loin : « Si Charlie Hebdo est condamné, c’est le silence qui s’abattra sur nous [...], parce qu’on aura peur. Si la justice ne nous aide pas à pouvoir parler, c’est très grave. »
18 heures Denis Jeambar, ex-directeur de l’Express, réserve de son côté une surprise : « J’avais pris la décision de publier ces caricatures [...]. En février 2006, un mardi soir, vers 21 h 40, j’ai été contacté par un actionnaire. Il m’a demandé : "Allez-vous publier les caricatures ?" Je lui ai répondu : "Naturellement." "Il faut arrêter tout ça", m’a-t-il dit. Je lui ai indiqué qu’il aurait à en assumer les conséquences : ma démission et les pertes entraînées par la non-parution du journal. » Un avocat lui demande l’identité de cet actionnaire. Réponse : « M. Serge Dassault. »
Jeudi, 14 heures Une clameur s’élève à l’extérieur de la 17e chambre. Philippe Val fait son entrée sous les applaudissements de la foule massée dans le hall du palais de Justice. « Sarko ! Sarko ! » lui lancent quelques musulmans en référence à son nouvel allié. « Je suis institutrice à Clichy-sous-Bois. Je vis au coeur des problèmes », déclare l’air entendu une femme venue « soutenir Charlie Hebdo » . « Et la liberté d’expression » , s’empresse-t-elle d’ajouter. Sa voisine, voilée et fonctionnaire, dit défendre les « valeurs républicaines, mais comment voulez-vous que j’accepte le messager de Dieu avec une bombe sur la tête ! ».
14 h 30 Avec l’arrivée de François Bayrou, le journal peut se prévaloir de l’appui quasi unanime de la classe politique. Le candidat de l’UDF se présente comme « un croyant » et souligne son « empathie pour les sensibilités des croyants » . Pour autant, « la liberté d’expression ne doit pas être mise en cause, même dans le domaine des religions ». S’il avait été rédacteur en chef d’un journal, il n’aurait pas publié ces dessins. Mais, il n’y voit pas « une offense lourde en direction de la communauté musulmane ».
14 h 50 le journaliste algérien, Mohammed Sifaoui exhibe à la barre le drapeau de l’Arabie Saoudite, qui arbore la profession de foi et le cimeterre, puis une affiche du GSPC algérien qui mêle une kalachnikov et un verset religieux. « Cette association de la violence et du texte coranique n’est pas faite par les Danois », souligne-t-il, mais par les intégristes. « Les wahabistes, salafistes ou Frères musulmans » . « L’amalgame dont on parle, et dont je souffre au quotidien, entre terrorisme et islam, a été créé par des musulmans », déclare cet homme qui vit exilé à Paris.
15 h 30 Daniel Leconte, producteur, réalisateur, revient quant à lui sur le sondage, publié il y a un an, donnant une majorité de Français hostile à la publication des caricatures. « J’y vois le score de la peur . » Et Jacques Chirac qui dénonce une « provocation » ? « C’est une façon de ne pas désespérer le 9-3, comme à une certaine époque, on ne voulait pas dire du mal de Staline pour ne pas désespérer Billancourt. »
16 h 40 Dans sa plaidoirie, maître Christophe Bigot, avocat de la mosquée de Paris et grand spécialiste du droit de la presse, souligne qu’il « ne s’agit en aucune manière d’un débat de censure, mais d’un débat de responsabilité ». Il récuse l’accusation « grotesque » de vouloir « faire resurgir le délit de blasphème » . Charlie Hebdo s’est rendu coupable à ses yeux « d’un acte délibéré avec la conscience de faire du mal ». Les dessins incriminés « visent à provoquer la peur des musulmans dans la société ».
17 h 40 Me Francis Spziner, dans sa fronde contre Charlie Hebdo , enrôle... Libération : Dans le journal « de Joffrin et Rothschild, pas celui de Sartre et July, j’ai lu que ces dessins ne posent pas problème. Serge July, qui n’est pas un gaulliste monothéiste comme moi, avait refusé d’en publier un susceptible de criminaliser les musulmans. Il en avait parlé avant publication avec Philippe Val, qui savait donc que cela posait problème. Le crime est dans l’oeil de celui qui regarde ces caricatures, dans l’oeil de Dalil Boubaker, le mien et celui de Serge July. »
18 h 15 La procureure, Anne de Fontette, refuse de suivre la partie civile : « Il faut rappeler que Charlie Hebdo est un journal d’une nature particulière dont la tradition anarcho-libertaire est profondément anticléricale, la religion catholique étant la première à en subir les conséquences. La caricature ne prétend pas informer ou décrire la réalité, mais donner une opinion. Une presse démocratique doit-elle s’interdire ou être interdite de critiquer une religion ? Il est temps de faire du droit. La Cour européenne des droits de l’homme a statué dans une autre affaire que "la critique certes acide n’insulte pas l’ensemble des croyants, même si ces derniers peuvent se sentir offusqués" . Conclusion : "Les éléments constitutifs des poursuites ne sont pas réunis."
Applaudissements dans la salle. Le président reprend : « Ici, ce n’est pas comme à l’église, on n’applaudit pas. »
Jugement le 15 mars.
Par Christophe BOLTANSKI, Didier ARNAUD, Renaud LECADRE
vendredi 9 février 2007 - http://www.liberation.fr/actualite/societe/234112.FR.php
Comment les associations accusatrices se sont retrouvées, au fur et à mesure du procès, dans la positions d’« accusées ».
Mercredi, 9 heures Comme dans une pièce de Shakespeare, le procè intenté à Charlie Hebdo débute par un intermède comique. Avant d’aborder le fond de l’affaire, il s’agit d’examiner la recevabilité des plaintes déposées par des « clowns », comme les appelle un avocat, de ces « habitués des tribunaux » qui engagent des procédures par jeu ou désir de publicité. Germain Gaiffe est l’un d’eux. Il s’extrait régulièrement de la maison d’arrêt où il purge une peine de trente ans de réclusion en se constituant partie civile. Presque un personnage de Charlie avec son physique à la professeur Choron. Il déclare parler au nom de ses compagnons détenus choqués par des caricatures qu’ils n’ont jamais vues, l’hebdomadaire satirique n’étant pas consultable en prison.
A 10 heures, commence l’interrogatoire de Philippe Val, directeur de Charlie Hebdo. Ses dessinateurs, Cabu, Tignous, Riss, Catherine, etc., se tiennent en embuscade avec leurs crayons. Ses avocats ont mobilisé une armée de témoins prestigieux. Bien décidé à transformer ce procès en un combat de la Raison contre les Ténèbres, le prévenu se fait accusateur. Il invoque Spinoza, Descartes. En reproduisant ces illustrations, il voulait manifester sa « solidarité » avec le directeur de France Soir, qui venait d’être limogé pour avoir commis ce même pêché, mais aussi lutter contre l’intégrisme. « L’islam politique est pour moi quelque chose qui doit être critiqué. » Si les caricatures « avaient été porteuses de la moindre idée raciste, nous ne les aurions pas publiées ». Et il s’énerve contre Salah Djemai, avocat de la Ligue islamique mondiale, bras armé de l’Arabie Saoudite, qui l’accuse d’avoir soufflé sur la braise : « Le feu, il a pris depuis bien longtemps », s’exclame-t-il, citant les attentats du 11 Septembre, Bali, Madrid, Londres.
11 h 15 Lhaj Thami Breze, président de l’Union des organisations islamiques (UOIF), ne fait qu’une lecture du dessin représentant Mahomet coiffé d’une bombe : « C’est que le Prophète enseigne le terrorisme à tous les musulmans. » « Est-ce que ça vous choque lorsque Ben Laden ou Zawahiri invoquent l’action du Prophète pour justifier le terrorisme ? » lui demande Me Kiejman . Puis, Lhaj Thami Breze se tourne vers le directeur de Charlie : « Monsieur Val, vous nous avez agressés. On ne fait pas des procès tous les jours, mais vous avez agressé les musulmans. Nous ne condamnons pas la liberté d’expression, mais ses dérapages. »
11 h 30 Le philosophe et poète franco-tunisien AbdelWahab Meddeb dit avoir ri aux éclats en voyant la une de Charlie : un dessin de Cabu montrant un Prophète « débordé par les intégristes » qui se lamente : « C’est dur d’être aimé par des cons. » « Cela correspond très exactement à ma pensée », lâche ce penseur, qui s’efforce de restituer à l’islam sa « polyphonie » ancestrale. En revanche, il avoue trouver « problématique » la caricature du turban et de la bombe. « Est-elle outrageante ? » lui demande Me Kiejman. « Franchement, elle peut l’être pour certains. » Cette image renvoie, selon lui, à une vieille représentation chrétienne d’un Prophète « belliqueux et concupiscent ». « C’est une histoire millénaire, rappelle-t-il. L’Europe a été construite sur un principe islamophobe. Mais est-ce que vous allez censurer la Divine Comédie de Dante où l’islamophobie est flagrante ? »
Midi Georges Kiejman, défenseur du journal, prend un malin plaisir à lire une lettre qu’il vient de recevoir : « Je tiens à apporter clairement mon soutien à votre journal, qui exprime une vieille tradition française, celle de la satire. [...] Je puis tout à fait comprendre que certains dessins incriminés aient pu heurter les convictions religieuses de certains de nos concitoyens musulmans, [...] pour autant, je préfère l’excès de caricature à l’absence de caricature. » L’avocat, ex-ministre de Mitterrand, conclut d’une voix triomphale : « C’est signé Nicolas Sarkozy. »
12 h 30 Face à la douzaine d’intellectuels, de journalistes, de politiques mobilisés par Charlie, la partie civile, en l’occurrence la Ligue islamique mondiale, ne cite qu’un témoin. Le père Michel Lelong, prêtre catholique : « Je trouve regrettable qu’un journal a cru bon de rallumer cette querelle », déclare ce vieux routier des amitiés franco-arabes. Mauvaise pioche. L’homme a soutenu par le passé Garaudy, négationniste, ainsi qu’Al-Manar, la télévision du Hezbollah interdite par le CSA à cause d’un programme antisémite.
14 h 15 Fleming Rose, le rédacteur en chef des pages culturelles du Jyllands-Posten , raconte comment toute l’affaire a débuté. C’est lui qui a commandé ces dessins de Mahomet. Il présente son quotidien comme de « centre droit » et le compare « au Figaro ». Aucun illustrateur ne voulait participer à un livre sur le Prophète « par peur de connaître le sort de Theo Van Gogh », assassiné en Hollande « après avoir fait un film sur les femmes en islam ». Le journaliste danois rappelle que les plaintes déposées au Danemark par onze associations musulmanes ont toutes été déboutées.
16 heures après Sarkozy, François Hollande est le deuxième homme politique à voler au secours de Charlie Hebdo . « La République indivisible n’a pas fait ce qu’elle devait faire par rapport à la pratique musulmane, reconnaît-il, mais on ne peut pas au nom d’une frustration légitime mettre en cause la liberté d’expression. Ce serait un comble que ce soit à Charlie Hebdo de réparer les défaillances de l’Etat. »
17 h 50 la féministe Elisabeth Badinter va plus loin : « Si Charlie Hebdo est condamné, c’est le silence qui s’abattra sur nous [...], parce qu’on aura peur. Si la justice ne nous aide pas à pouvoir parler, c’est très grave. »
18 heures Denis Jeambar, ex-directeur de l’Express, réserve de son côté une surprise : « J’avais pris la décision de publier ces caricatures [...]. En février 2006, un mardi soir, vers 21 h 40, j’ai été contacté par un actionnaire. Il m’a demandé : "Allez-vous publier les caricatures ?" Je lui ai répondu : "Naturellement." "Il faut arrêter tout ça", m’a-t-il dit. Je lui ai indiqué qu’il aurait à en assumer les conséquences : ma démission et les pertes entraînées par la non-parution du journal. » Un avocat lui demande l’identité de cet actionnaire. Réponse : « M. Serge Dassault. »
Jeudi, 14 heures Une clameur s’élève à l’extérieur de la 17e chambre. Philippe Val fait son entrée sous les applaudissements de la foule massée dans le hall du palais de Justice. « Sarko ! Sarko ! » lui lancent quelques musulmans en référence à son nouvel allié. « Je suis institutrice à Clichy-sous-Bois. Je vis au coeur des problèmes », déclare l’air entendu une femme venue « soutenir Charlie Hebdo » . « Et la liberté d’expression » , s’empresse-t-elle d’ajouter. Sa voisine, voilée et fonctionnaire, dit défendre les « valeurs républicaines, mais comment voulez-vous que j’accepte le messager de Dieu avec une bombe sur la tête ! ».
14 h 30 Avec l’arrivée de François Bayrou, le journal peut se prévaloir de l’appui quasi unanime de la classe politique. Le candidat de l’UDF se présente comme « un croyant » et souligne son « empathie pour les sensibilités des croyants » . Pour autant, « la liberté d’expression ne doit pas être mise en cause, même dans le domaine des religions ». S’il avait été rédacteur en chef d’un journal, il n’aurait pas publié ces dessins. Mais, il n’y voit pas « une offense lourde en direction de la communauté musulmane ».
14 h 50 le journaliste algérien, Mohammed Sifaoui exhibe à la barre le drapeau de l’Arabie Saoudite, qui arbore la profession de foi et le cimeterre, puis une affiche du GSPC algérien qui mêle une kalachnikov et un verset religieux. « Cette association de la violence et du texte coranique n’est pas faite par les Danois », souligne-t-il, mais par les intégristes. « Les wahabistes, salafistes ou Frères musulmans » . « L’amalgame dont on parle, et dont je souffre au quotidien, entre terrorisme et islam, a été créé par des musulmans », déclare cet homme qui vit exilé à Paris.
15 h 30 Daniel Leconte, producteur, réalisateur, revient quant à lui sur le sondage, publié il y a un an, donnant une majorité de Français hostile à la publication des caricatures. « J’y vois le score de la peur . » Et Jacques Chirac qui dénonce une « provocation » ? « C’est une façon de ne pas désespérer le 9-3, comme à une certaine époque, on ne voulait pas dire du mal de Staline pour ne pas désespérer Billancourt. »
16 h 40 Dans sa plaidoirie, maître Christophe Bigot, avocat de la mosquée de Paris et grand spécialiste du droit de la presse, souligne qu’il « ne s’agit en aucune manière d’un débat de censure, mais d’un débat de responsabilité ». Il récuse l’accusation « grotesque » de vouloir « faire resurgir le délit de blasphème » . Charlie Hebdo s’est rendu coupable à ses yeux « d’un acte délibéré avec la conscience de faire du mal ». Les dessins incriminés « visent à provoquer la peur des musulmans dans la société ».
17 h 40 Me Francis Spziner, dans sa fronde contre Charlie Hebdo , enrôle... Libération : Dans le journal « de Joffrin et Rothschild, pas celui de Sartre et July, j’ai lu que ces dessins ne posent pas problème. Serge July, qui n’est pas un gaulliste monothéiste comme moi, avait refusé d’en publier un susceptible de criminaliser les musulmans. Il en avait parlé avant publication avec Philippe Val, qui savait donc que cela posait problème. Le crime est dans l’oeil de celui qui regarde ces caricatures, dans l’oeil de Dalil Boubaker, le mien et celui de Serge July. »
18 h 15 La procureure, Anne de Fontette, refuse de suivre la partie civile : « Il faut rappeler que Charlie Hebdo est un journal d’une nature particulière dont la tradition anarcho-libertaire est profondément anticléricale, la religion catholique étant la première à en subir les conséquences. La caricature ne prétend pas informer ou décrire la réalité, mais donner une opinion. Une presse démocratique doit-elle s’interdire ou être interdite de critiquer une religion ? Il est temps de faire du droit. La Cour européenne des droits de l’homme a statué dans une autre affaire que "la critique certes acide n’insulte pas l’ensemble des croyants, même si ces derniers peuvent se sentir offusqués" . Conclusion : "Les éléments constitutifs des poursuites ne sont pas réunis."
Applaudissements dans la salle. Le président reprend : « Ici, ce n’est pas comme à l’église, on n’applaudit pas. »
Jugement le 15 mars.
Par Christophe BOLTANSKI, Didier ARNAUD, Renaud LECADRE
vendredi 9 février 2007 - http://www.liberation.fr/actualite/societe/234112.FR.php
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