Blaise Cendrars antisémite
Blaise Cendrars antisémite
Paru le Jeudi 05 Avril 2007
JÉRÔME MEIZOZ*
BIOGRAPHIE - Dans la réédition «augmentée» de son «Blaise Cendrars», la fille de l'écrivain a coupé un texte antisémite rédigé par celui-ci en 1936. Un procédé très contestable.
En mars 2000, dans un billet que m'avait demandé un journal du dimanche sur l'antisémitisme en Suisse[1], je signalais un fait méconnu de la majorité des lecteurs passionnés de Blaise Cendrars, dont je fais partie: en été 1936, après l'arrivée au pouvoir du Front populaire de Léon Blum, l'écrivain d'origine helvétique avait rédigé l'ébauche d'un pamphlet pour une collection intitulée «La France aux Français». Cette expression vous dit quelque chose? Intitulé «Le Bonheur de vivre», ce document jamais publié du vivant de l'auteur est conservé dans les archives de Blaise Cendrars à la Bibliothèque nationale suisse de Berne.
En voici l'extrait paru à ce jour:«[...] il faut, par ces temps de désordre et de bourrage de crâne, traverser [la France] en chemin de fer de bout en bout pour comprendre que malgré le malheur des temps et les menaces de dictature d'un gouvernement de Front populaire, ce verger n'est pas encore entre les mains des Juifs...»[2]A l'anathème antisémite associant le mal au gouvernement Blum, Cendrars ajoute le mépris pour l'organisation des ouvriers, «arrogants, crâneurs, vantards», qui se proposent de conquérir collectivement de nouveaux droits. Les opinions antisémites et antisocialistes de Cendrars ne constituent pas une révélation. Sa fille, Miriam Cendrars, cite le document en question dans «Blaise Cendrars» (1984), biographie dont une édition revue et augmentée de nouveaux documents paraît aujourd'hui. Dans un ouvrage sur les romanciers de cette période en France, «L'Age du roman parlant 1919-1939» (Droz, 2001), j'ai cité l'extrait ci-dessus du «Bonheur de vivre», capital pour illustrer les positions politiques de Cendrars à la fin des années trente.
Une édition «augmentée»?
Le moins que l'on puisse dire, c'est que les universitaires qui se sont penchés sur la vie de Cendrars n'ont pas fait grand cas de ce texte antisémite rendu public dès 1984. Ce document a pourtant un intérêt essentiel pour comprendre les positionnements politiques et littéraires de Cendrars. Dans son «Blaise Cendrars» (1991)[3], Anne-Marie Jaton, professeure à l'Université de Pise, n'en fait pas mention, ni même dans l'«Histoire de la littérature en Suisse romande» (Payot, vol. 2, 1997). Peut-être ne dit-on pas de telles choses d'un «grand suisse»? Maître de la légende personnelle, Cendrars lui-même dans ses entretiens avec Michel Manoll, «Blaise Cendrars vous parle...» (1952) s'est bien gardé de faire allusion à ce texte, en pleine période d'«épuration».
Le «Blaise Cendrars» de Miriam Cendrars connaît aujourd'hui une réédition qu'on nous signale comme «revue, corrigée, augmentée», la troisième après celles de 1984 et 1993. Or, qu'y découvre-t-on? L'extrait du «Bonheur de vivre» cité ci-dessus y est tout simplement supprimé! La correction consiste à soustraire au regard du public une information dérangeante pour la statue de Cendrars, alors que ce document, déjà cité, est publiquement disponible. Il aurait donc fallu écrire «édition revue, corrigée, diminuée», mais l'éditeur n'a sans doute pas osé cette formule.
Cette suppression constitue selon moi un procédé volontairement attentatoire à la vérité historique. Elle relève d'une forme de révisionnisme qui supprime après coup, sur un document, sa part maudite. La biographe occulte un fait, au lieu de l'assumer simplement et de l'inclure dans un contexte où l'antisémitisme de Cendrars, loin de faire de cet homme un monstre, nous apprendrait quelque chose de préjugés courants à l'époque[4]. Cette entorse à la probité intellectuelle fragilise du coup la crédibilité de sa biographie toute entière. Il s'agit enfin d'un tour de passe-passe à l'égard des amateurs de Cendrars, qu'on ne se gêne pas de désinformer.
Contextes culturels
Pour comprendre l'antisémitisme littéraire si courant dans les années 1930, il faut plonger dans l'histoire culturelle de la fin du XIXe siècle, puis de la Belle Epoque, telle qu'elle a été retracée par de nombreux ouvrages sérieux: l'Affaire Dreyfus, la querelle des laïcistes et des catholiques, les fragilités républicaines, l'omniprésence de l'anarchisme. En 1886, Edouard Drumont publie un immense succès, «La France juive». Réédité 114 fois en un an, l'ouvrage recense de manière dénonciatoire, et pour la première fois, les noms de personnalités juives dans les arènes du pouvoir français[5]. Louis-Ferdinand Céline, dans ses quatre pamphlets (1936-1941), et toute la presse antisémite des années trente s'inspirent également de Drumont. Les propos de l'écrivain Renaud Camus, parus en 2001, sur la proportion de juifs employés à France-Culture s'inscrivent dans cette longue tradition.
Il faut rappeler l'ancrage puissant du préjugé antisémite aussi bien à droite qu'à gauche, sans oublier les milieux anarchistes: Le Canard enchaîné apprécie la caricature antijuive faite par Céline dans «L'Eglise», en 1933, et juge favorablement «Bagatelles pour un massacre», dans un article de 1938. Le rejet des juifs est lisible chez de nombreux auteurs, tels Jules Renard, Léautaud, Daudet ou Bernanos, qui se fait le biographe de Drumont dans «La Grande peur des bien-pensants» (1931). En mai 1936, avec l'arrivée de Léon Blum au pouvoir, la haine de la presse d'extrême droite se déchaîne sans plus de censure contre les personnalités juives liées aux cercles du pouvoir. Plusieurs journaux appellent au meurtre, et invitent littéralement à «tirer dans le dos» de Léon Blum. L'antisémitisme littéraire est ancré dans un terreau banal à l'époque, qui toutefois ne le justifie en rien dans la mesure où nombreux sont ceux qui ont contre-argumenté et mis en garde le public contre cette dérive.
Peuple-objet
Bien qu'il ait professé l'amour d'un petit peuple parisien mythifié (à l'instar de Remy de Gourmont, son maître), Cendrars avait en horreur le peuple réel dès qu'il devenait sujet historique, qu'il se mettait à revendiquer, discourir et refuser sa condition. N'existait dans le regard de l'écrivain qu'un peuple-objet, avec gueule et gouaille pour un pittoresque de banlieue littéraire. Hostile au Front populaire de Léon Blum, il fréquentait les milieux de la droite anarchisante et du grand mécénat bourgeois. En septembre 1936, Cendrars est engagé comme reporter dans la guerre d'Espagne pour le journal fascisant Gringoire. La droite française cherche à piéger Léon Blum qui s'en tient à la non-intervention militaire. Cendrars doit prouver que le «juif Blum», comme le nomme chaque jour la presse d'extrême droite, a bel et bien envoyé des hommes, secrètement, au secours de ses amis rouges. Mais les articles de Cendrars n'aboutissent pas du tout à ces conclusions et Gringoire refuse de les publier, rappelle ici opportunément Miriam Cendrars.
Limite des biographies autorisées
Il y aurait beaucoup à dire sur les «biographies autorisées», écrites ou contrôlées par les proches d'un écrivain. Les historiens s'en méfient, et pour cause. Celle de Miriam Cendrars propose certes de nombreux documents inédits, mais presque toujours présentés dans une lumière sanctifiante. Vestale du temple paternel, elle donne à «Blaise» les proportions de la postérité, non celles de son temps. Le portrait en est tronqué, et reconduit naïvement le mythe que Cendrars lui-même a créé autour de sa personne. Les documents ayant été sélectionnés dans une visée apologétique plus qu'historique, cette biographie n'a donc guère de valeur pour les curieux d'histoire littéraire, ni pour les spécialistes de cette oeuvre. Combien d'années faudra-t-il attendre avant que paraisse une biographie digne de ce nom?
Le paramètre antisémite n'est pas une simple anecdote biographique ou un secret scandaleux destiné à émouvoir le public. Pour qui veut saisir l'histoire sociale des formes littéraires, c'est un indicateur capital de la trajectoire de Cendrars. Au moment où le champ littéraire se polarise, dès 1932, entre une extrême gauche et une extrême droite, toutes deux dotées d'appareils de presse puissants, les choix politiques et les ralliements des écrivains ont un impact certain sur leurs choix littéraires, qu'il s'agisse des genres, des supports, des thèmes ou des styles. Ainsi les vertus d'aventure, de non-conformisme et d'héroïsme illustrés par Cendrars sont-elles en phase avec l'anarchisme individualiste et sa longue tradition. Cendrars, ayant renoncé au roman, se lance à cette époque dans le grand reportage, les histoires vraies, mais s'essaie aussi au pamphlet comme nous l'apprend «Le Bonheur de vivre». Une part de ses revenus dépend alors de la grande presse de droite pour laquelle il écrit, mais à l'égard de laquelle il manifeste également son indépendance.
Ironie du sort: sous l'Occupation dès 1941, à Paris, les services nazis inscrivent Cendrars sur la liste «Otto» des écrivains à proscrire comme «juifs», vraisemblablement à cause de son pseudonyme... I
Note :
* Ecrivain, enseigne la littérature française à l'Université de Lausanne.
Miriam Cendrars, «Blaise Cendrars, la Vie, le Verbe, l'Ecriture», Paris, Denoël, 2006, 751 pp.
[1] «Antisémitisme, le latent et le militant», dimanche.ch, 19 mars 2000, repris dans Confrontations 1994-2004, Lausanne, Antipodes, coll. «Contre-pied», 2005.
[2] Cité par Miriam Cendrars, «Blaise Cendrars», Paris, Balland, 1984, chapitre 31, p. 493.
[3] Genève, Slatkine, coll. «Les Grands Suisses», 1991.
[4] Dans sa réédition, la biographe signale brièvement les origines familiales «ataviques» de cet antisémitisme, pour rassurer le lecteur sur le fait qu'entre 1940 et 1944 Cendrars n'a pas manifesté ce type d'opinions.
[5] Philippe Alméras, «'Je suis le bouc'». Céline et l'antisémitisme», Paris, Denoël, 2000.
Paru le Jeudi 05 Avril 2007
JÉRÔME MEIZOZ*
BIOGRAPHIE - Dans la réédition «augmentée» de son «Blaise Cendrars», la fille de l'écrivain a coupé un texte antisémite rédigé par celui-ci en 1936. Un procédé très contestable.
En mars 2000, dans un billet que m'avait demandé un journal du dimanche sur l'antisémitisme en Suisse[1], je signalais un fait méconnu de la majorité des lecteurs passionnés de Blaise Cendrars, dont je fais partie: en été 1936, après l'arrivée au pouvoir du Front populaire de Léon Blum, l'écrivain d'origine helvétique avait rédigé l'ébauche d'un pamphlet pour une collection intitulée «La France aux Français». Cette expression vous dit quelque chose? Intitulé «Le Bonheur de vivre», ce document jamais publié du vivant de l'auteur est conservé dans les archives de Blaise Cendrars à la Bibliothèque nationale suisse de Berne.
En voici l'extrait paru à ce jour:«[...] il faut, par ces temps de désordre et de bourrage de crâne, traverser [la France] en chemin de fer de bout en bout pour comprendre que malgré le malheur des temps et les menaces de dictature d'un gouvernement de Front populaire, ce verger n'est pas encore entre les mains des Juifs...»[2]A l'anathème antisémite associant le mal au gouvernement Blum, Cendrars ajoute le mépris pour l'organisation des ouvriers, «arrogants, crâneurs, vantards», qui se proposent de conquérir collectivement de nouveaux droits. Les opinions antisémites et antisocialistes de Cendrars ne constituent pas une révélation. Sa fille, Miriam Cendrars, cite le document en question dans «Blaise Cendrars» (1984), biographie dont une édition revue et augmentée de nouveaux documents paraît aujourd'hui. Dans un ouvrage sur les romanciers de cette période en France, «L'Age du roman parlant 1919-1939» (Droz, 2001), j'ai cité l'extrait ci-dessus du «Bonheur de vivre», capital pour illustrer les positions politiques de Cendrars à la fin des années trente.
Une édition «augmentée»?
Le moins que l'on puisse dire, c'est que les universitaires qui se sont penchés sur la vie de Cendrars n'ont pas fait grand cas de ce texte antisémite rendu public dès 1984. Ce document a pourtant un intérêt essentiel pour comprendre les positionnements politiques et littéraires de Cendrars. Dans son «Blaise Cendrars» (1991)[3], Anne-Marie Jaton, professeure à l'Université de Pise, n'en fait pas mention, ni même dans l'«Histoire de la littérature en Suisse romande» (Payot, vol. 2, 1997). Peut-être ne dit-on pas de telles choses d'un «grand suisse»? Maître de la légende personnelle, Cendrars lui-même dans ses entretiens avec Michel Manoll, «Blaise Cendrars vous parle...» (1952) s'est bien gardé de faire allusion à ce texte, en pleine période d'«épuration».
Le «Blaise Cendrars» de Miriam Cendrars connaît aujourd'hui une réédition qu'on nous signale comme «revue, corrigée, augmentée», la troisième après celles de 1984 et 1993. Or, qu'y découvre-t-on? L'extrait du «Bonheur de vivre» cité ci-dessus y est tout simplement supprimé! La correction consiste à soustraire au regard du public une information dérangeante pour la statue de Cendrars, alors que ce document, déjà cité, est publiquement disponible. Il aurait donc fallu écrire «édition revue, corrigée, diminuée», mais l'éditeur n'a sans doute pas osé cette formule.
Cette suppression constitue selon moi un procédé volontairement attentatoire à la vérité historique. Elle relève d'une forme de révisionnisme qui supprime après coup, sur un document, sa part maudite. La biographe occulte un fait, au lieu de l'assumer simplement et de l'inclure dans un contexte où l'antisémitisme de Cendrars, loin de faire de cet homme un monstre, nous apprendrait quelque chose de préjugés courants à l'époque[4]. Cette entorse à la probité intellectuelle fragilise du coup la crédibilité de sa biographie toute entière. Il s'agit enfin d'un tour de passe-passe à l'égard des amateurs de Cendrars, qu'on ne se gêne pas de désinformer.
Contextes culturels
Pour comprendre l'antisémitisme littéraire si courant dans les années 1930, il faut plonger dans l'histoire culturelle de la fin du XIXe siècle, puis de la Belle Epoque, telle qu'elle a été retracée par de nombreux ouvrages sérieux: l'Affaire Dreyfus, la querelle des laïcistes et des catholiques, les fragilités républicaines, l'omniprésence de l'anarchisme. En 1886, Edouard Drumont publie un immense succès, «La France juive». Réédité 114 fois en un an, l'ouvrage recense de manière dénonciatoire, et pour la première fois, les noms de personnalités juives dans les arènes du pouvoir français[5]. Louis-Ferdinand Céline, dans ses quatre pamphlets (1936-1941), et toute la presse antisémite des années trente s'inspirent également de Drumont. Les propos de l'écrivain Renaud Camus, parus en 2001, sur la proportion de juifs employés à France-Culture s'inscrivent dans cette longue tradition.
Il faut rappeler l'ancrage puissant du préjugé antisémite aussi bien à droite qu'à gauche, sans oublier les milieux anarchistes: Le Canard enchaîné apprécie la caricature antijuive faite par Céline dans «L'Eglise», en 1933, et juge favorablement «Bagatelles pour un massacre», dans un article de 1938. Le rejet des juifs est lisible chez de nombreux auteurs, tels Jules Renard, Léautaud, Daudet ou Bernanos, qui se fait le biographe de Drumont dans «La Grande peur des bien-pensants» (1931). En mai 1936, avec l'arrivée de Léon Blum au pouvoir, la haine de la presse d'extrême droite se déchaîne sans plus de censure contre les personnalités juives liées aux cercles du pouvoir. Plusieurs journaux appellent au meurtre, et invitent littéralement à «tirer dans le dos» de Léon Blum. L'antisémitisme littéraire est ancré dans un terreau banal à l'époque, qui toutefois ne le justifie en rien dans la mesure où nombreux sont ceux qui ont contre-argumenté et mis en garde le public contre cette dérive.
Peuple-objet
Bien qu'il ait professé l'amour d'un petit peuple parisien mythifié (à l'instar de Remy de Gourmont, son maître), Cendrars avait en horreur le peuple réel dès qu'il devenait sujet historique, qu'il se mettait à revendiquer, discourir et refuser sa condition. N'existait dans le regard de l'écrivain qu'un peuple-objet, avec gueule et gouaille pour un pittoresque de banlieue littéraire. Hostile au Front populaire de Léon Blum, il fréquentait les milieux de la droite anarchisante et du grand mécénat bourgeois. En septembre 1936, Cendrars est engagé comme reporter dans la guerre d'Espagne pour le journal fascisant Gringoire. La droite française cherche à piéger Léon Blum qui s'en tient à la non-intervention militaire. Cendrars doit prouver que le «juif Blum», comme le nomme chaque jour la presse d'extrême droite, a bel et bien envoyé des hommes, secrètement, au secours de ses amis rouges. Mais les articles de Cendrars n'aboutissent pas du tout à ces conclusions et Gringoire refuse de les publier, rappelle ici opportunément Miriam Cendrars.
Limite des biographies autorisées
Il y aurait beaucoup à dire sur les «biographies autorisées», écrites ou contrôlées par les proches d'un écrivain. Les historiens s'en méfient, et pour cause. Celle de Miriam Cendrars propose certes de nombreux documents inédits, mais presque toujours présentés dans une lumière sanctifiante. Vestale du temple paternel, elle donne à «Blaise» les proportions de la postérité, non celles de son temps. Le portrait en est tronqué, et reconduit naïvement le mythe que Cendrars lui-même a créé autour de sa personne. Les documents ayant été sélectionnés dans une visée apologétique plus qu'historique, cette biographie n'a donc guère de valeur pour les curieux d'histoire littéraire, ni pour les spécialistes de cette oeuvre. Combien d'années faudra-t-il attendre avant que paraisse une biographie digne de ce nom?
Le paramètre antisémite n'est pas une simple anecdote biographique ou un secret scandaleux destiné à émouvoir le public. Pour qui veut saisir l'histoire sociale des formes littéraires, c'est un indicateur capital de la trajectoire de Cendrars. Au moment où le champ littéraire se polarise, dès 1932, entre une extrême gauche et une extrême droite, toutes deux dotées d'appareils de presse puissants, les choix politiques et les ralliements des écrivains ont un impact certain sur leurs choix littéraires, qu'il s'agisse des genres, des supports, des thèmes ou des styles. Ainsi les vertus d'aventure, de non-conformisme et d'héroïsme illustrés par Cendrars sont-elles en phase avec l'anarchisme individualiste et sa longue tradition. Cendrars, ayant renoncé au roman, se lance à cette époque dans le grand reportage, les histoires vraies, mais s'essaie aussi au pamphlet comme nous l'apprend «Le Bonheur de vivre». Une part de ses revenus dépend alors de la grande presse de droite pour laquelle il écrit, mais à l'égard de laquelle il manifeste également son indépendance.
Ironie du sort: sous l'Occupation dès 1941, à Paris, les services nazis inscrivent Cendrars sur la liste «Otto» des écrivains à proscrire comme «juifs», vraisemblablement à cause de son pseudonyme... I
Note :
* Ecrivain, enseigne la littérature française à l'Université de Lausanne.
Miriam Cendrars, «Blaise Cendrars, la Vie, le Verbe, l'Ecriture», Paris, Denoël, 2006, 751 pp.
[1] «Antisémitisme, le latent et le militant», dimanche.ch, 19 mars 2000, repris dans Confrontations 1994-2004, Lausanne, Antipodes, coll. «Contre-pied», 2005.
[2] Cité par Miriam Cendrars, «Blaise Cendrars», Paris, Balland, 1984, chapitre 31, p. 493.
[3] Genève, Slatkine, coll. «Les Grands Suisses», 1991.
[4] Dans sa réédition, la biographe signale brièvement les origines familiales «ataviques» de cet antisémitisme, pour rassurer le lecteur sur le fait qu'entre 1940 et 1944 Cendrars n'a pas manifesté ce type d'opinions.
[5] Philippe Alméras, «'Je suis le bouc'». Céline et l'antisémitisme», Paris, Denoël, 2000.
3 Comments:
Jérôme Meizoz fait référence, en passant, pour le décor, sans que cela n'enlève ni n'ajoute à son texte, à des propos de Renaud Camus. Les écrits auxquels il fait référence sont vraisemblablement ceux qui ont suscité ce que l'on a appelé « l'affaire Renaud Camus », en 2000 — et non en 2001.
Jamais Renaud Camus ne s'est exprimé sur « la proportion de juifs employés à France-Culture ». C'est une déformation grossière et mensongère de la réalité. En premier lieu, les passages qui ont provoqué la polémique concernaient une seule émission, le « Panorama » et non France Culture en général. Ensuite, Renaud Camus n'a jamais fait écrit qu'il y avait trop de juifs dans cette émission. Il a simplement estimé que les collaborateurs juifs et se disant tels, étant en proportion nombreux, ils abordaient trop souvent des sujets liés aux judaïsme alors que l'émission avait une vocation plus générale. Même si certains trouveront que c'est encore trop ce n'est tout de même pas la même chose.
Il est temps de cesser de répéter à l'envi que Renaud Camus serait antisémite car cela est simplement un mensonge, une contre-vérité. Il suffit de lire ses livres pour s'en convaincre (Journal, Nightsound, Discours de Flaran, etc.)
Très cher imbécile (et mal renseigné qui plus est),
Renaud Camus n'a jamais tenu le compte des juifs travaillant à France culture. Si, au lieu de suivre paresseusement les ragots, vous aviez fait l'effort de vous reporter à la source, vous le sauriez.
Ces ragots, qui plus est, vous les avez apparamment suivis de loin, puisque "l'affaire Camus" a eu lieu en 2000 et non en 2001. Et elle concernait le volume de son journal écrit en 1994 ("La Campagne de France")
Renaud Camus ne "s'inscrit" dans aucune tradition antisémite, pour la bonne raison qu'il ne l'est pas (comme Alain Finkielkraut l'a très bien vu et dit, à l'époque).
Si vous êtes aussi rigoureux à propos de Blaise Cendrars, je pense que j'ai bien fait de ne pas perdre mon temps à vous lire tout au long.
Bon... jouant les taureaux furieux, je n'avais pas vu que l'excellent Franck Chabot vous avait déjà réglé votre compte. Ça fera deux claques au lieu d'une : peut pas faire de tort...
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