Attention, un mur peut en cacher un autre…
Les lecteurs du Figaro qui ont lu, ce 2 janvier, l’article titré « En 2007, une seule bombe humaine est parvenue à frapper l'État hébreu » auraient du peiner à deviner que la « parade anti-kamikaze » grâce à laquelle le nombre des attentats a connu « une chute spectaculaire » est en réalité le fameux mur-de-l’apartheid dont les palestinolâtres français font leurs choux gras depuis le début de sa construction, en 2003.
Egalement connu sous le sobriquet de mur-de-la-honte, l’ouvrage n’est pas identifiable parce que le Figaro se livre, à son sujet, à un exercice inédit dans les médias français : du journalisme.
En effet, le quotidien se contente de décrire la « clôture électronique de plus de 500 kilomètres de long qui prend dans certains secteurs la forme d'un mur de béton », et d’observer qu’elle a « rendu les infiltrations de Cisjordanie en Israël plus difficiles ».
Bien plus souvent une barrière qu'un mur
Où sont les envolées lyriques officiant la misère palestinienne face à une réédition –en pire– du Mur de Berlin ? Une vulgaire clôture électronique qui prend parfois la forme d’un mur en béton ?
Mais alors, et la sournoiserie israélienne prenant prétexte d’attentats imaginaires et néanmoins légitimes pour séparer les paisibles paysans palestiniens de leurs champs ? Et l’évident impérialisme dissimulé dans son tracé irrévocable ?
Les lecteurs du Figaro sont engagés à commenter les articles. Pour celui-ci, ils sont presque unanimes, et beaucoup plus futés que je ne le prétendais plus haut : ils ont tous compris que c’est bien DU mur qu’il s’agit. Et ils n’en contestent pas l’utilité.
Mais l’un d’entre eux, Laurent, s’indigne : « Pour se proteger israel aurait pu faire son mur à sa frontière et pas chez les autres!Il reste 300 000 colons illégaux en palestine et des milliers de morts palestiniens par an tués par israel. » (Les fautes d’orthographe, de ponctuation et de majuscules sont d’origine.)
Cette réaction est intéressante car l’auteur accumule tous les poncifs et toutes les erreurs historiques possibles en trois lignes. Il n’est pas plus bête qu’un autre, il est juste pavlovien : Israël s’acharne en toutes choses à torturer le pauvre peuple de Palestine pour le seul plaisir de nuire. « Israël aurait pu faire son mur à sa frontière », dit-il.
Mais de quelle frontière s’agit-il ?
A la fin de la guerre des Six-jours, la Résolution 242 de l’ONU proclama le droit pour chaque Etat de la région à « vivre en paix à l'intérieur de frontières sûres et reconnues », lesquelles frontières devaient être déterminées par un « compromis de paix accepté par les parties ».
Mais les pays de la Ligue Arabe réunis à Khartoum votèrent, le 1er septembre 1967, la résolution des « trois non » : non à la paix, non à la négociation, non à la reconnaissance d'Israël.
Voilà pourquoi il n’existe de frontière officielle qu’entre Israël et les pays qui ont signé, des années plus tard, la paix avec lui : l’Egypte et la Jordanie.
Quant à une hypothétique frontière entre Israël et la « Palestine », elle impliquerait que l’Etat de Palestine existe. Or il a été refusé par la Ligue Arabe en 1948, puis en 1967 et enfin en 2000.
Alors de quelle frontière parle Laurent l’internaute ? Il est sans aucun doute persuadé qu’il en existe une et qu’Israël empiète dessus pour construire son « mur ».
Comme il est certainement de bonne foi en évoquant « 300 000 colons illégaux en Palestine ». Mais où est-elle, exactement, cette Palestine ? Et quid de l’illégalité des « colons » et des « colonies » ?
Le mot « colonie » est une des traductions possibles de l’anglais « settlement », terme neutre en version originale qui peut également être rendu par « installation », « communauté » ou « implantation ».
Ainsi, lorsque des « baba cool » post soixante-huitards se sont installés dans des communautés en Lozère ou dans le Lubéron, ils auraient été décrits, en anglais comme des « settlers » et leur société alternative comme des « settlements ». Pourtant les journaux hexagonaux n’en ont jamais parlé comme des « colonies » peuplées de « colons »…
Dore Gold, ancien ambassadeur d’Israël à l’ONU et spécialiste de droit international, observe, lui, que « la campagne de délégitimation d’Israël a exploité le mot ‘occupation’ pour évoquer l’occupation nazie de la France pendant la seconde guerre mondiale et l’associer à ce que fait Israël en Cisjordanie et à Gaza. » (1)
Mais les « communautés juives » en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza existent depuis toujours. La Bible en donne l’historique et les récits de voyage de Mark Twain ou Chateaubriand également.
Il n’y a que pendant l’occupation jordanienne (1948-1967) qu’il a été interdit aux Juifs d’habiter la Judée et la Samarie (Cisjordanie). Une interdiction parfaitement illégale puisque le Mandat pour la Palestine, octroyé à la Grande-Bretagne par la SDN, stipulait que le mandataire devait faire son possible pour favoriser la création d’un foyer national juif, notamment en y encourageant « des implantations/colonies denses par les Juifs sur cette terre ».
Stephen Schwebel, autre spécialiste de Droit international qui a présidé la Cour Internationale de Justice de La Haye, précise que « dans la mesure où le détenteur précédent du territoire avait pris possession de ce territoire de manière illégale, le nouveau détenteur, qui le prend ensuite, en exerçant son droit légal à l’autodéfense, a, par rapport au détenteur précédent, une plus grande légitimité. »(2)
Les implantations juives en Cisjordanie et à Gaza répondent très précisément à cette définition : la Jordanie avait insisté pour que la ligne d’armistice de 1949, qui constituait la frontière entre elle et Israël jusqu’en 1967, ne soit pas une frontière reconnue internationalement mais une simple ligne séparant deux armées.
En dehors des arguties juridiques, une remarque de bon sens s’impose : des Juifs en territoire palestinien sont considéré comme un casus belli aux yeux du monde en général et de Laurent l’internaute en particulier.
On ne cherchera même pas à savoir d’où il tire le chiffre de 300 000. Mais quid du million et quelques d’Arabes israéliens, détenteurs de la carte d’identité israélienne et de tous les droits qui y sont attachés ?
Laurent trouve leur présence et leur citoyenneté parfaitement normales. Nous aussi. En revanche, nous serions scandalisés d’apprendre que « des milliers de morts palestiniens par an sont tués par Israël ».
Lorsqu’en 1967, Israël a conquis la Cisjordanie sur la Jordanie et la bande de Gaza sur l’Egypte, il s’y trouvait un million de « réfugiés », c’est-à-dire de personnes ayant vécu dans la partie israélienne de la Palestine mandataire et de leurs descendants.
Au bout de presque 40 ans d’occupation lorsque les Israéliens ont quitté Gaza, cette population avoisinait les quatre millions. Cela ressemble peu à des assassinats par milliers… Depuis le départ des occupants israéliens, le nombre de morts violentes à Gaza a été centuplé. Mais cela ne semble pas préoccuper Laurent…
Sera-t-il plus sensible au sort des centaines de vigiles qui vérifiaient les passagers avant qu'ils montent dans un autobus et qui sont maintenant en chômage technique à cause du Mur ?
Qu’importe, après tout : chez Primo, nous militons pour le rééquilibrage de l’information sur le Moyen-Orient. Nous sommes trop heureux de constater que parfois, des journalistes savent distinguer les faits des commentaires.
Si cela se généralise, nous serons, nous aussi, en chômage technique. Youpiiiiii !
Liliane Messika © Primo-Europe, 4 janvier 2008.
1 - « Des 'Territoires occupés' aux Territoires disputés' », Dore Gold, in Jerusalem Letter / Viewpoints n° 470 du16 janvier 2002. Original anglais : http://www.jcpa.org/jl/vp470.htm.
2 - American Journal of International Law, (Avril, 1970), pp. 345-46.
Les lecteurs du Figaro qui ont lu, ce 2 janvier, l’article titré « En 2007, une seule bombe humaine est parvenue à frapper l'État hébreu » auraient du peiner à deviner que la « parade anti-kamikaze » grâce à laquelle le nombre des attentats a connu « une chute spectaculaire » est en réalité le fameux mur-de-l’apartheid dont les palestinolâtres français font leurs choux gras depuis le début de sa construction, en 2003.
Egalement connu sous le sobriquet de mur-de-la-honte, l’ouvrage n’est pas identifiable parce que le Figaro se livre, à son sujet, à un exercice inédit dans les médias français : du journalisme.
En effet, le quotidien se contente de décrire la « clôture électronique de plus de 500 kilomètres de long qui prend dans certains secteurs la forme d'un mur de béton », et d’observer qu’elle a « rendu les infiltrations de Cisjordanie en Israël plus difficiles ».
Bien plus souvent une barrière qu'un mur
Où sont les envolées lyriques officiant la misère palestinienne face à une réédition –en pire– du Mur de Berlin ? Une vulgaire clôture électronique qui prend parfois la forme d’un mur en béton ?
Mais alors, et la sournoiserie israélienne prenant prétexte d’attentats imaginaires et néanmoins légitimes pour séparer les paisibles paysans palestiniens de leurs champs ? Et l’évident impérialisme dissimulé dans son tracé irrévocable ?
Les lecteurs du Figaro sont engagés à commenter les articles. Pour celui-ci, ils sont presque unanimes, et beaucoup plus futés que je ne le prétendais plus haut : ils ont tous compris que c’est bien DU mur qu’il s’agit. Et ils n’en contestent pas l’utilité.
Mais l’un d’entre eux, Laurent, s’indigne : « Pour se proteger israel aurait pu faire son mur à sa frontière et pas chez les autres!Il reste 300 000 colons illégaux en palestine et des milliers de morts palestiniens par an tués par israel. » (Les fautes d’orthographe, de ponctuation et de majuscules sont d’origine.)
Cette réaction est intéressante car l’auteur accumule tous les poncifs et toutes les erreurs historiques possibles en trois lignes. Il n’est pas plus bête qu’un autre, il est juste pavlovien : Israël s’acharne en toutes choses à torturer le pauvre peuple de Palestine pour le seul plaisir de nuire. « Israël aurait pu faire son mur à sa frontière », dit-il.
Mais de quelle frontière s’agit-il ?
A la fin de la guerre des Six-jours, la Résolution 242 de l’ONU proclama le droit pour chaque Etat de la région à « vivre en paix à l'intérieur de frontières sûres et reconnues », lesquelles frontières devaient être déterminées par un « compromis de paix accepté par les parties ».
Mais les pays de la Ligue Arabe réunis à Khartoum votèrent, le 1er septembre 1967, la résolution des « trois non » : non à la paix, non à la négociation, non à la reconnaissance d'Israël.
Voilà pourquoi il n’existe de frontière officielle qu’entre Israël et les pays qui ont signé, des années plus tard, la paix avec lui : l’Egypte et la Jordanie.
Quant à une hypothétique frontière entre Israël et la « Palestine », elle impliquerait que l’Etat de Palestine existe. Or il a été refusé par la Ligue Arabe en 1948, puis en 1967 et enfin en 2000.
Alors de quelle frontière parle Laurent l’internaute ? Il est sans aucun doute persuadé qu’il en existe une et qu’Israël empiète dessus pour construire son « mur ».
Comme il est certainement de bonne foi en évoquant « 300 000 colons illégaux en Palestine ». Mais où est-elle, exactement, cette Palestine ? Et quid de l’illégalité des « colons » et des « colonies » ?
Le mot « colonie » est une des traductions possibles de l’anglais « settlement », terme neutre en version originale qui peut également être rendu par « installation », « communauté » ou « implantation ».
Ainsi, lorsque des « baba cool » post soixante-huitards se sont installés dans des communautés en Lozère ou dans le Lubéron, ils auraient été décrits, en anglais comme des « settlers » et leur société alternative comme des « settlements ». Pourtant les journaux hexagonaux n’en ont jamais parlé comme des « colonies » peuplées de « colons »…
Dore Gold, ancien ambassadeur d’Israël à l’ONU et spécialiste de droit international, observe, lui, que « la campagne de délégitimation d’Israël a exploité le mot ‘occupation’ pour évoquer l’occupation nazie de la France pendant la seconde guerre mondiale et l’associer à ce que fait Israël en Cisjordanie et à Gaza. » (1)
Mais les « communautés juives » en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza existent depuis toujours. La Bible en donne l’historique et les récits de voyage de Mark Twain ou Chateaubriand également.
Il n’y a que pendant l’occupation jordanienne (1948-1967) qu’il a été interdit aux Juifs d’habiter la Judée et la Samarie (Cisjordanie). Une interdiction parfaitement illégale puisque le Mandat pour la Palestine, octroyé à la Grande-Bretagne par la SDN, stipulait que le mandataire devait faire son possible pour favoriser la création d’un foyer national juif, notamment en y encourageant « des implantations/colonies denses par les Juifs sur cette terre ».
Stephen Schwebel, autre spécialiste de Droit international qui a présidé la Cour Internationale de Justice de La Haye, précise que « dans la mesure où le détenteur précédent du territoire avait pris possession de ce territoire de manière illégale, le nouveau détenteur, qui le prend ensuite, en exerçant son droit légal à l’autodéfense, a, par rapport au détenteur précédent, une plus grande légitimité. »(2)
Les implantations juives en Cisjordanie et à Gaza répondent très précisément à cette définition : la Jordanie avait insisté pour que la ligne d’armistice de 1949, qui constituait la frontière entre elle et Israël jusqu’en 1967, ne soit pas une frontière reconnue internationalement mais une simple ligne séparant deux armées.
En dehors des arguties juridiques, une remarque de bon sens s’impose : des Juifs en territoire palestinien sont considéré comme un casus belli aux yeux du monde en général et de Laurent l’internaute en particulier.
On ne cherchera même pas à savoir d’où il tire le chiffre de 300 000. Mais quid du million et quelques d’Arabes israéliens, détenteurs de la carte d’identité israélienne et de tous les droits qui y sont attachés ?
Laurent trouve leur présence et leur citoyenneté parfaitement normales. Nous aussi. En revanche, nous serions scandalisés d’apprendre que « des milliers de morts palestiniens par an sont tués par Israël ».
Lorsqu’en 1967, Israël a conquis la Cisjordanie sur la Jordanie et la bande de Gaza sur l’Egypte, il s’y trouvait un million de « réfugiés », c’est-à-dire de personnes ayant vécu dans la partie israélienne de la Palestine mandataire et de leurs descendants.
Au bout de presque 40 ans d’occupation lorsque les Israéliens ont quitté Gaza, cette population avoisinait les quatre millions. Cela ressemble peu à des assassinats par milliers… Depuis le départ des occupants israéliens, le nombre de morts violentes à Gaza a été centuplé. Mais cela ne semble pas préoccuper Laurent…
Sera-t-il plus sensible au sort des centaines de vigiles qui vérifiaient les passagers avant qu'ils montent dans un autobus et qui sont maintenant en chômage technique à cause du Mur ?
Qu’importe, après tout : chez Primo, nous militons pour le rééquilibrage de l’information sur le Moyen-Orient. Nous sommes trop heureux de constater que parfois, des journalistes savent distinguer les faits des commentaires.
Si cela se généralise, nous serons, nous aussi, en chômage technique. Youpiiiiii !
Liliane Messika © Primo-Europe, 4 janvier 2008.
1 - « Des 'Territoires occupés' aux Territoires disputés' », Dore Gold, in Jerusalem Letter / Viewpoints n° 470 du16 janvier 2002. Original anglais : http://www.jcpa.org/jl/vp470.htm.
2 - American Journal of International Law, (Avril, 1970), pp. 345-46.
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