Wednesday, October 22, 2008

Solidarité - Le riche héritage de sœur Emmanuelle
Audrey Dreillard, le mercredi 22 octobre 2008 à 04:00

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Le décès de sœur Emmanuelle fait des milliers d’orphelins. Mais celle qui fit don de sa vie aux plus déshérités laisse derrière elle un riche patrimoine, pétri d’amour et de solidarité.
La « grande sœur », a bleti. C’est ainsi que les chiffonniers du Caire appelaient leur bienfaitrice. Un surnom affectif pour celle qui a passé vingt-deux années à leurs côtés, dans le bidonville d’Ezbet El-Nakhl où ils vivaient reclus. Car l’histoire commence là-bas. Muée par le souci de les aider, Sœur Emmanuelle souhaite mettre l’accent sur l’éducation et la santé. Grâce à son énergie débordante et à sa foi sans faille, une école, une maternité, un jardin d’enfant, et un dispensaire voient ainsi le jour. Dans les années 80, Sœur Emmanuelle souhaite dépasser les frontières, et soutenir d’autres populations démunies dans le monde. Elle fonde donc « les amis de Sœur Emmanuelle », puis Asmae, « l’Association de Sœur Emmanuelle », qui fusionnent en 1987.

Aujourd’hui, Asmae est présente sur trois continents, et vient en aide aux enfants pauvres d’une dizaine de pays, parmi lesquels l’Egypte, mais aussi le Sénégal, le Liban, le Soudan, les Philippines, l’Inde, le Burkina Fasso, Madagascar, le Mali et la France. En tout, plus de 200 projets, à l’image du centre d’accueil pour jeunes mères en difficulté créée en 2006 à Bobigny.


« Une femme irremplaçable »


« Sur le terrain, la relève est assurée depuis plusieurs années », nous explique Trao Nguyen, le président d’Asmae. Et quelle relève ! Quelque 70 professionnels, 200 bénévoles et 80 partenaires mobilisés pour améliorer le quotidien de 74.000 bénéficiaires, et porter le message solidaire de celle qui reste leur emblème. Lorsqu’il évoque sa mémoire, Trao Nguyen parle « d’une femme irremplaçable », qui laisse un héritage parfois difficile à porter du fait de son charisme. Comme pour les œuvres de l’abbé Pierre et Mère Teresa, « beaucoup de bénévoles et de donateurs nous soutenaient grâce à elle, à son image. Son décès nous mène vers l’inconnu. Les gens doivent être conscients qu’en continuant à nous aider, ils perpétuent le travail de Sœur Emmanuelle ».

Une vie qui suscitera peut être des vocations. « Parmi les gens qui réentendent son histoire, sans doute certains auront-ils un déclic de solidarité, et l’envie de s’intéresser davantage aux autres », conclut-il avec espoir.




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Une congrégation engagée envers l’Eglise, le peuple juif et le monde


Sœur Emmanuelle était issue de la congrégation des religieuses de Notre-Dame-de-Sion, fondée en 1843 par Alphonse et Théodore Ratisbonne. Elevés au sein d’une famille juive de Strasbourg, les deux frères se convertissent au catholicisme. C’est à la suite de l’apparition de Marie à Alphonse, le 20 janvier 1942 à Rome, que la congrégation est fondée. Elle a pour vocation de témoigner « de la fidélité de Dieu à son amour pour le peuple juif ». Une de ses priorités est ainsi de « promouvoir compréhension et justice à l’égard de la communauté juive », et de rappeler aux chrétiens qu’ils sont liés au peuple juif. Il s’agit d’une congrégation internationale organisée en plusieurs provinces (européenne, méditerranéenne…). Tandis que les sœurs contemplatives fondent leur engagement sur la prière, les sœurs apostoliques participent au travail de la communauté.



• Fatiguée, mais « ne souffrant d'aucune maladie particulière », soeur Emmanuelle s'est éteinte « dans son sommeil, dans la nuit de dimanche à lundi ». Elle avait 99 ans et vivait, depuis 1993, dans la maison de retraite de sa congrégation, à Callian (Var). Le secret de sa longévité ? Sa conviction que « la vie est passionnante » et, ajoutait-elle, le morceau de chocolat noir qu'elle mangeait chaque soir. Elle était née en 1908, à Bruxelles, dans un couple franco-belge (mère chrétienne, père juif) et rien ne prédisposait Madeleine Cinquin ¯ son vrai nom ¯ à devenir cette femme « rebelle » connue sous le nom de soeur Emmanuelle.



• Avant Le Caire. À 23 ans, elle renonce à une vie confortable et prononce ses voeux de religieuse dans la congrégation Notre-Dame-de-Sion, tournée vers l'enseignement et les liens avec le judaïsme. Elle prend le nom d'Emmanuelle et part enseigner en Turquie, puis en Tunisie et en Égypte. Elle a un coup de foudre pour ce dernier pays.



• Chez les chiffonniers. À 62 ans, en 1971, à l'âge de la retraite, soeur Emmanuelle obtient le feu vert de sa congrégation pour accomplir son voeu le plus cher : aller vivre parmi les plus pauvres. Elle s'installe dans une cabane du bidonville d'Ezbet El-Nakhl, où vivent des chiffonniers du Caire. C'est le début d'une grande aventure humaine qui la fera connaître dans le monde entier. Relayée par son association Asmae, créée en 1980, elle s'investit également au Soudan (Opération Orange), en Haïti, au Burkina Faso, au Brésil...



• Après Le Caire. Rappelée en 1993, à 85 ans, par sa congrégation, alors qu'elle aurait voulu mourir au Caire, soeur Emmanuelle continue à donner de la voix. Elle défend l'aide aux pays pauvres, les SDF et les jeunes générations à qui elle refusait de « faire la morale ». Soeur Emmanuelle n'hésite pas à fréquenter les studios de télé et à provoquer en douceur ses interlocuteurs.



• L'hommage. Aucune voix discordante pour parler de cette religieuse hors norme. « Notre soeur à tous », a lancé Nicolas Sarkozy. « Une femme dont la vie doit servir d'exemple en cette période où le règne de l'argent l'emporte trop souvent sur les valeurs humaines » (Ségolène Royal). L'émotion est forte à ATD Quart monde qui évoque son « compagnonnage » avec soeur Emmanuelle, « en faveur du respect et de la dignité des personnes en grande pauvreté ».

Pour Martin Hirsch, ancien président d'Emmaüs et actuel Haut commissaire aux Solidarités, « le meilleur hommage est de continuer son combat ». Au Vatican, par la voix de son porte-parole, le père Lombardi, on évoque « une grande figure de la charité chrétienne ». La Grande Mosquée de Paris salue « la grande pionnière de la solidarité humaine au XXe siècle ».



• Ses obsèques. Conformément à la volonté de soeur Emmanuelle, elles auront lieu dans la plus stricte intimité, demain, à Callian dans le Var. Un hommage lui sera rendu au cours d'une messe de requiem célébrée à la cathédrale Notre-Dame de Paris, demain à 15 h, en présence de Nicolas Sarkozy. Une messe à sa mémoire sera également célébrée, selon ses souhaits, à la chapelle Notre-Dame de la médaille miraculeuse, rue du Bac, à Paris, samedi à 10 h 30.

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